1re lecture : Deutéronome 18, 15-20
Psaume 94 Évangile : Marc 1, 21-28 |
1. Avec une bonne quarantaine de paroissiens, je suis allé hier soir voir le film « Sacerdoce » qui présente 5 figures de prêtres très attachantes, vraiment, parce qu’ils sont vrais, beaux (le premier, Antoine, est peut-être un peu trop rond), pleins d’enthousiasme et qu’ils donnent vraiment une belle figure du sacerdoce. Le premier, Antoine, est avec sa roulotte, il va de village en village, et visite les personnes, il se fait parfois très bien recevoir, et parfois très mal. Paul Bénézit (ses parents ont vécu quelques années à Alençon) est fana de cyclisme, et il remportera le championnat de France du clergé. Gaspard emmène des jeunes garçons là-haut sur les sommets enneigés. Matthieu, des Missions Étrangères de Paris, est parti dans les bidonvilles de Manille et il essaye d’arracher de tout jeunes enfants à la prostitution et aux trafiquants d’enfants. A cause de ces enfants martyrs, c’est peut-être lui qui a le témoignage le plus bouleversant. (il y a aussi François Potez).
2. Dans tous ces témoignages, ne cherchez pas ce qui manque, car apparemment, ce n’était pas le souci du réalisateur (un chrétien évangélique) : le lien avec une communauté, avec une paroisse, elles sont absentes, ce n’est pas ce que cherchait l’auteur du film, et c’est sans doute un peu dommage, avec le risque de faire de ces prêtres une icône évangélique solitaire, avec le risque de l’auto-promotion. On sait très bien aujourd’hui à quelles dérives peuvent conduire des hommes et des femmes qu’on a trop encensés, glorifiés, y compris dans l’Église. Mais je m’empresse d’ajouter qu’ils m’ont semblé armés pour prévenir ce genre de conduite.
3. Sans ambages, sans faux-fuyants, sans langue de bois, et c’est ce qui est intéressant, ils parlent de leur célibat : comment le vivent-ils ? Ont-ils des combats à mener ? Ne leur manque-t-il pas la tendresse, si indispensable à l’équilibre d’une vie ? Chacun d’eux a une manière différente d’en parler, mais jamais ils ne donnent l’impression d’être des personnes frustrées, ayant subi une castration mortifère, ils donnent au contraire une belle image du célibat ecclésiastique parce qu’ils l’ont librement choisi, et c’est cela qui est important. L’un d’eux, Antoine, le prêtre à la caravane, raconte même un amour de jeunesse, et c’est aussi parce qu’il a expérimenté autrefois un bel amour avec une jeune femme, qu’il peut parler de la beauté de l’amour conjugal.
4. Une longue introduction pour en arriver à la 2ème lecture qu’on ne peut pas comprendre si on n’a pas toutes les informations, et en particulier celle-ci : Paul, comme beaucoup de convertis de son époque, a été persuadé pendant longtemps que le retour du Seigneur était très proche : de même que Jésus était parti vers son Père du vivant de ses apôtres (récit en l’Ascension), de même allait-il revenir définitivement de la même façon qu’on l’avait vu partir : c’est ce qu’on appelle la Parousie. Quelques versets plus haut, il déclare ainsi : Le temps est limité. Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, ceux qui pleurent comme s’ils ne pleuraient pas (…) ceux qui profitent de ce monde comme s’ils n’en profitaient pas. Car il passe, ce monde tel que nous le voyons (v29-30). Dans ces cas-là, pourquoi se marier, puisque tout va « passer » bientôt, et que « là-haut » nous serons comme des anges ?
5. D’où l’invitation prudente de Paul : J’aimerais vous voir libres de tout souci... Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé. Paul leur dit : « Mais non ! Votre vrai souci, ce doit être le retour du Seigneur, vous trouver prêt, vous devez être comme une sentinelle pour son retour, vous devez vous y préparer. » Et cependant, il reste prudent comme nous pouvons le constater : c’est dans votre intérêt que je dis cela ; plus haut il dit : Ce n’est pas un ordre du Seigneur, je donne mon avis… (v25).
6. Néanmoins, il faut affirmer ici que les arguments de Paul ont eu beaucoup de poids pour la règle du célibat ecclésiastique de l’Occident. Je rappelle cependant que celle-ci ne vaut pas pour les prêtres orthodoxes de l’Europe de l’Est, ni pour les prêtres romains de l’Église d’Orient : ainsi, au Liban, en Syrie, des hommes mariés peuvent être ordonnés prêtres. « Un » des fondements du célibat ecclésiastique dont nous vivons nous en Europe, en Afrique, en Amérique, est celle-ci : celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur ; celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme… Si je reviens au beau témoignage de ces 5 prêtres dans le film Sacerdoce, c’est ce qui crève l’écran : leur célibat est un témoignage d’un amour total et non divisé pour le Seigneur, à travers la joie de leur vie et à travers surtout du don de leur personne pour les autres. Et ils ne pourraient pas faire le quart de ce qu’ils vivent s’ils étaient mariés et en charge d’une famille.
7. Disons-le sans ambages : il est beau que le célibat ecclésiastique ou religieux signifie aux hommes et aux femmes de ce temps l’amour indivisible pour le Christ, qu’il soit le signe éminent de cet amour. Il est beau que ces prêtres, que des prêtres puissent dire : « le Christ, sinon rien ! » comme un amour qui ne puisse pas être remplacé ou compensé par un autre amour. Il est beau que des prêtres, des religieux, des religieuses puissent dire : l’amour du Christ me remplit tellement largement qu’il ne peut pas donner place à un autre amour qui risquerait d’affadir le premier.
8. Soyons bien clairs : si des prêtres peuvent le dire et le vivre, comme nous l’avons vu dans ce film, c’est grâce au Christ que nous le devons, par une grâce insigne qu’il nous fait et dont nous sommes parfaitement indignes. Et cela doit être pour eux une source inépuisable d’action de grâces, au-delà des épreuves, des difficultés qu’ils peuvent rencontrer ; car toute fidélité est parfois douloureuse, que ce soit dans le célibat, ou le mariage. Mais, au bout de tout cela, ce qui reste, c’est la fidélité de Jésus, totale, insurpassable, éternelle. Amen !
P. Loïc Gicquel des Touches