1re lecture : 1er livre de Samuel 16, 1b ; 6-7 ; 10-13a Psaume 22 2e lecture : Éphésiens 5, 8-14 Évangile : Jean 9, 1-41 |
La Parole de Dieu écoutée à l’instant nous donne le récit d’une rencontre entre Jésus et un aveugle-né. Jésus s’approche de cet aveugle de naissance et lui propose de vivre un chemin de guérison
physique, et de guérison par la foi. Cette rencontre, nous pouvons aussi la vivre. Elle est pour nous ! Dans cet Évangile, Jésus nous dit : je viens m’approcher de toi, de tes
blessures, de ton aveuglement. Ouvre ton cœur à ma présence ; fais moi confiance. Jésus nous propose un chemin vers la foi.
Nous pourrions nous poser la question du mal, comme les disciples : est-ce sa faute ou celle de ses parents ? On recherche toujours un fautif, un coupable, un responsable. Mais sans doute ce n’est pas la bonne question à poser. Pourquoi le mal ? pourquoi moi ? Sous-entendu : je n’ai pas mérité cela, ce n’est pas ma faute, j’ai essayé d’être juste et bon… je n'ai pas commis tous ces crimes que je vois à la télévision ou dans les journaux. Oui, il y a la tentation de nous auto-justifier, de nous évader de ce monde en souffrance, plein d’injustice et de violence, de nous justifier aux yeux de Dieu, quitte à accuser les autres, ses parents, et même Dieu. Si je souffre, c’est la faute des autres, c’est la faute de Dieu. Nous restons enfermés dans une position de victime, pensant être dans notre bon droit.
Jésus vient illuminer notre raisonnement qui est trop simpliste, il vient éclairer le scandale du mal par un autre scandale, plus grand encore, celui de la Croix. Il n’est pas venu supprimer, abolir le mal, mais le porter sur ses épaules pour le clouer au bois de la Croix. Nous annonçons un Messie crucifié, non pas un Messie qui guérit comme par magie, qui enlève le mal du monde par une simple parole ; non, notre Messie, notre Jésus est celui qui vient prendre sur lui le péché du monde, l’Agneau de Dieu qui porte et enlève les péchés du monde. Le mystère de la souffrance et du mal ne s’explique pas par une leçon de philosophie ou de théologie. Mais Dieu va passer à travers – la Pâque – ce mystère de mal, de souffrance, de mort, pour manifester son amour. Cet homme de l’Évangile, cet aveugle-né que nous sommes à cause du péché originel, va devenir le lieu de la manifestation de l’œuvre de Dieu. Dieu va montrer sa puissance dans notre faiblesse. « Ma grâce te suffit ; ma puissance se révèle dans la faiblesse »…
Dieu va passer à travers tes blessures. Voilà l’œuvre de Dieu. Il ne fait pas disparaître, pour l’instant, toute trace de mal et de blessure, mais il assure de sa présence la personne blessée. Je
suis là, avec toi. Ce qui est le plus dur dans notre blessure, dans notre combat, ce n’est pas le combat lui-même ; nous avons l’intuition qu’il peut nous faire grandir… mais c’est la
solitude, le fait de devoir affronter seul, sans aide, notre souffrance, notre situation désespérée. Et Jésus vient nous conforter : je suis là, avec toi, dans ta souffrance, ta solitude.
Voilà la vraie consolation : être épaulé, se savoir aimé, compris, accueilli, soutenu par le Christ.
Jésus pose un geste de guérison : il crache, fait de la boue ; c’est un geste de recréation, comme Dieu l’avait fait pour Adam. Jésus nous restaure, nous recrée, nous guérit profondément. Mais il demande la coopération de la personne : « va te laver à la fontaine », ou « va voir le prêtre », « offre pour ta guérison ce qui est prescrit par la loi »… Jésus ne veut pas nous sauver sans notre collaboration, sans notre oui, sans notre accord. Oui, c’est la grâce de Dieu qui agit, mais c’est la personne qui consent à l’œuvre de Dieu en elle. Dieu nous prend au sérieux, il respecte notre liberté, il attend notre consentement. Sans la foi en sa puissance, en sa grâce, il ne peut pas opérer de miracle en nous. Dans le sacrement de la confession, reçue avec foi, le Seigneur opère le pardon des péchés, il guérit mon âme d’un mal plus grand que la souffrance ou le mal subi : il efface le mal commis, la faute personnelle. Allons nous confesser, allons recevoir dans la confiance la miséricorde de Dieu. A nous de parcourir le chemin de la foi, comme cet aveugle de naissance, d’ouvrir notre cœur pour que Dieu agisse. Si je ne vais pas voir le médecin, si je n’accueille pas les remèdes et médicaments qu’il me prescrit, je ne pourrais pas guérir ; parfois son remède agit avec efficacité ; d’autres fois, il faut continuer le traitement pendant plusieurs séances parce que le mal est profond et qu’il faut une rééducation. On travaille avec le temps, dans la patience, la persévérance, non avec l’instantané. Les grandes œuvres demandent du temps.
La foi est un chemin qui prend du temps. Regardez l’aveugle-né : il progresse, il est peu à peu illuminé et reconnaît le Christ. Au départ, Jésus est un homme comme les autres : « l’homme qu’on appelle Jésus ». On m’en a parlé, mais je ne le connais pas vraiment. Ensuite ce Jésus est désigné comme un prophète : « c’est un prophète », c’est-à-dire qu’il agit au nom de Dieu. Devant ses parents, l’aveugle-né poursuit : « il m’a ouvert les yeux. Cet homme est de Dieu ». Jésus vient de la part de Dieu. Enfin, Jésus prend l’initiative de le rencontrer : « crois-tu au Fils de l’homme ? » et l’aveugle guéri répond : « je crois Seigneur » : il accède à la pleine foi et se prosterne, il adore Jésus comme son Dieu. La foi conduit à l’adoration : non seulement il est guéri, mais il est aussi sauvé. Il a découvert la présence de Dieu dans sa vie. Nous aussi, Jésus vient ce soir à notre rencontre et nous pose, à chacun, cette demande : « crois-tu ? est-ce que tu crois en moi ? Crois-tu que je peux faire cela pour toi ? Me fais-tu confiance ? crois-tu que je porte avec toi le poids de ta vie et de tes blessures ? ». Nous aussi nous pouvons nous approcher de lui, présent dans le Saint Sacrement, nous mettre à genoux, nous prosterner devant lui pour l’implorer, pour reconnaître que tout bien vient de lui. Il est Maître et Seigneur, adorons-le.
Les blessures ne sont pas un obstacle à la réalisation de ma vie, au contraire elles peuvent m’aider à prendre conscience de ma petitesse et de la puissance du Christ. Au lieu d’être un barrage à mon accomplissement, à mon épanouissement (on rêve en se disant : que ce serait bien une vie sans épreuve, sans blessure !), elles peuvent être un tremplin pour faire de ma vie un chemin de foi, une amitié avec le Christ. Et cette amitié vaut tous les trésors du monde. La blessure ne m’éloigne pas du Christ, elle peut contribuer à ma croissance spirituelle, à mon bien spirituel. Elle nous apprend notre condition de faiblesse, de fragilité, ce que nous sommes en vérité. Car, en vérité, nous ne sommes pas forts et invincibles, nous sommes simplement vulnérables, aveugles, estropiés, boiteux, handicapés du cœur. Cela nous invite à l’humilité, à l’amour du frère qui a aussi ses fragilités, à la compassion, au service du plus faible, et à nous approcher du Christ qui a le cœur blessé, transpercé, blessé de nos blessures. C’est là que nous trouvons la guérison de nos cœurs blessés. Amen.
Don Thomas Lapenne,
exorciste diocésain